By Michèlé Salimbéni

L’équitation “western” est, avant tout, l’ensemble des techniques utilisées par les cowboys américains.

Il s’agit plus précisément d’un style d’équitation qui a évolué à partir des traditions d’élevage et des techniques de rodéo.

Ce type particulier d’équitation s’est développé dans l’Ouest américain[1] au XIXe siècle, période de la conquête de l’Ouest. Avant de devenir une équitation de compétition et de loisir – comme c’est principalement le cas aujourd’hui en Europe – l’équitation western était tout d’abord une équitation de travail. Cet ensemble de techniques est encore pratiqué aujourd’hui par des cowboys, dans des ranchs américains, exactement comme il y a cent ans. Les traditions et les techniques sont transmises de génération en génération, permettant à cette culture – la culture des cowboys – de survivre et d’être toujours d’actualité.

 

Il n’y a pas un moment perdu dans la vie s’il est passé en selle.
(Winston Churchill)
Monter à cheval transformera « je voudrais » en « je peux ».
(Peter Brown)

Le premier à codifier et faire connaître ce type d’équitation – et la culture qui l’accompagne – était William Frederick Cody, mieux connu sous le nom légendaire de Buffalo Bill. Avec son “Wild West Show” – qui débuta le 4 juillet 1882 à North Platte, une petite ville frontalière située dans le Nebraska – William Cody a rendu célèbre le monde du Far West et les activités des cowboys au public de l’Est américain, et surtout aux Européens. Il créa le mythe de la frontière – qui dure encore aujourd’hui – et codifia les modèles narratifs qui seront ensuite utilisés dans le cinéma western.

C’est donc grâce à Buffalo Bill et à son Wild West Show, connu comme le plus grand spectacle du monde, que nous pratiquons aujourd’hui en Europe l’équitation western, et que le rodéo existe toujours en Amérique. Mais sa contribution la plus importante a été d’introduire la philosophie de l’homme de l’Ouest, celle qui sous-tend l’équitation western, basée sur le respect de la nature.

Le cowboy, comme le surhomme nietzschéen, fait de sa vie une œuvre d’art. Il s’exprime donc exclusivement par l’action, à travers le mimétisme et l’exemplarité. Dans l’Ouest, il n’y a pas de monuments ; tout est mobile et a une priorité pratique.
Le cowboy représente l’idée d’une humanité simple, rude, nomade, résistante à la fatigue, dotée de courage et d’initiative ; un mélange des valeurs de la frontière et des valeurs victoriennes. Sa vision positive de la vie est basée sur une série de concepts tels que le pragmatisme, le matérialisme et surtout, sur un fort individualisme kantien. Parmi les cowboys, il n’y a pas de classes sociales ; l’égalitarisme et l’épanouissement individuel passent par l’action. Tout passe par cette “action” qui se reflète dans l’approche de l’équitation western et dans toutes ses disciplines (western pleasure, reining, cutting, working cow horse, ranch horse, team penning, trail class, halter, showmanship, extreme trail, etc.). Ce qui distingue de facto l’équitation western des autres types d’équitation, est précisément le fait d’avoir ses racines dans une philosophie de vie et de travail unique en son genre et dans une culture. L’homme de l’Ouest qui aujourd’hui pratique ce genre d’équitation, vit en conséquence avec un style de vie particulier. Une philosophie particulière : celle des cowboys.

Cette vision de la vie se retrouve dans les techniques d’équitation qui l’accompagnent. On la trouve aussi dans le cinéma western qui, selon André Bazin[2], est le genre le plus important et le plus influent de l’histoire du cinéma, et constitue l’essence même de l’art cinématographique[3]. Contrairement aux préjugés et aux lieux communs, le cinéma western américain classique n’est pas basé sur de la pure fiction et sur du mythe, mais plutôt sur la réalité de l’Ouest. Il y a un courant de films « réalistes » où la vie des cowboys et leurs activités sont représentées en détail, dans un réalisme extrême proche du documentaire. La façon de parler (le cowboy lingo), les vêtements, les outils, les techniques de travail, et évidemment les techniques d’équitation sont représentés de la façon la plus authentique dans ces films.

Si vous voulez avoir une première approche de l’équitation western, de sa philosophie et du monde du travail des cowboys, vous pouvez voir des films tels que Le cheval de fer (The Iron Horse, John Ford, 1924), La rivière rouge (Red River, Howard Hawks, 1948), La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon, John Ford, 1949), L’Homme des vallées perdues (Shane, George Stevens, 1953), Les implacables (The Tall Men, Raoul Walsh, 1955), La Mort tragique de Leland Drum (The Shooting, Monte Hellman, 1966), La Poussière, la Sueur et la poudre (The Culpepper Cattle Co., Dick Richards, 1972) et Lonesome Dove (Simon Wincer, 1989).

Dans tous ces films et dans d’autres, on retrouve l’essence de l’équitation western. Un cavalier solitaire, son cheval et sa relation avec la nature. Et c’est justement pour reconquérir cette relation avec la nature, que de nombreux passionnés en Europe abordent aujourd’hui l’équitation western et ses disciplines. Une relation avec la nature et avec le cheval, une relation privilégiée. Le cheval western, à la différence de l’équitation classique ou à “l’anglaise”, ne doit pas être soutenu en permanence. Il s’agit d’une relation de confiance mutuelle entre le cavalier et le cheval. Une relation qui les met tous les deux en contact avec la nature environnante et qui renouvelle le défi perpétuel de l’humanité : maintenir la liberté face à l’adversité.

(Je remercie Manon Fournié pour la révision).

[1] L'Ouest américain est une région géographique de notre planète, située sur le territoire des États-Unis d'Amérique. Elle va du Mississippi à l'océan Pacifique, du 98e degré de longitude à la côte californienne, et au sud du 49e parallèle au nord du Rio Grande. [2] Célèbre critique de cinéma français, créateur des Cahiers du cinéma.
[3] C'est l'une des thèses que je soutiens et je développe dans mon livre, qui sera bientôt publié, intitulé «Métaphysique du West».